L’hégémonie de Google Search, bien établie, est aujourd’hui confrontée à une conjonction de défis sans précédent, touchant à la fois le cadre réglementaire, les questions éthiques, les avancées technologiques et les habitudes des utilisateurs. Ces pressions multiples testent la résilience de la position dominante de Google et sont susceptibles de remodeler profondément l’univers de la recherche en ligne. Qu’il s’agisse des législateurs européens et américains qui scrutent de près ses pratiques, des critiques sur les biais de ses algorithmes et la diffusion de la désinformation, de l’émergence rapide de l’IA générative ou de la transformation des modes de recherche (vocale, visuelle, sémantique), Google est contraint de s’adapter sous peine de voir son modèle économique et sa position centrale s’éroder progressivement.
L’avenir de Google pourrait dépendre de sa capacité à naviguer dans cet environnement complexe, potentiellement en acceptant de sacrifier une partie de ses revenus actuels pour assurer sa pertinence à long terme. La véritable menace pourrait ainsi résider non pas dans un concurrent unique, mais dans une fragmentation de la manière dont les utilisateurs accèdent à l’information.
Note de la rédaction :Deuxième article d’une série de six que vous retrouverez pendant six semaines.
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Précédentes publications :
- Fin du moteur de recherche de Google ?
- Menaces convergentes pour Google
- Quels profils pour la recherche de demain propulsée par l’IA ?
L’étau réglementaire se resserre
Les autorités de régulation, particulièrement en Europe et aux États-Unis, intensifient la pression sur les grandes entreprises technologiques, avec Google en ligne de mire. L’Union Européenne a estimé que Google enfreignait le Digital Markets Act (DMA), une législation conçue pour encadrer les « gatekeepers » numériques. Les critiques concernent principalement le moteur de recherche, accusé de favoriser ses propres services spécialisés, comme Google Shopping ou les outils de réservation d’hôtels, au détriment de ses concurrents. Le Google Play Store est également visé pour ses frais et ses restrictions sur le « steering », qui empêchent les développeurs de diriger facilement les utilisateurs vers des offres externes.
Aux États-Unis, un juge fédéral a qualifié Google de « monopole » dans le domaine de la recherche en ligne. Ce jugement souligne les accords d’exclusivité qui garantissent à Google d’être le moteur de recherche par défaut sur de nombreux appareils et navigateurs. Des procès antitrust majeurs sont en cours et pourraient potentiellement forcer Google à céder des pans de ses activités publicitaires lucratives ou à modifier radicalement ses pratiques commerciales.
En parallèle, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en Europe impose des règles strictes sur la collecte et le traitement des données personnelles, ce qui peut parfois entrer en tension avec les obligations de partage de données qu’implique le DMA. Ces cadres réglementaires visent à favoriser une concurrence plus équitable et à donner aux utilisateurs plus de contrôle sur leurs données. Ils pourraient obliger Google à ouvrir davantage son écosystème, ce qui pourrait entraîner une perte de parts de marché ou une diminution de certaines sources de revenus. La décision récente de Google de ne pas supprimer les cookies tiers dans Chrome, contrairement à ses annonces précédentes, pourrait être une réaction tactique à ce contexte réglementaire complexe et incertain.
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Les critiques éthiques persistent
Au-delà des enjeux économiques et concurrentiels, Google Search fait face à des critiques éthiques de plus en plus importantes. Les algorithmes sont pointés du doigt pour les biais qu’ils peuvent véhiculer. Par exemple, une étude a montré que Google Search générait des phrases à connotation négative dans environ 30,15 % de ses prédictions automatiques, avec des biais particulièrement marqués sur des sujets liés à la sexualité. Ces biais, qu’ils soient intentionnels ou non, peuvent avoir des conséquences significatives, notamment en favorisant la propagation de la désinformation. La CNIL en France souligne que les algorithmes, surtout ceux basés sur l’apprentissage automatique, peuvent engendrer des discriminations et de l’exclusion, parfois même sans que leurs concepteurs en aient conscience.
L’isolement intellectuel et informationnel
Le phénomène des « bulles de filtre1« est une autre préoccupation majeure. Bien que la personnalisation des résultats vise à améliorer la pertinence pour l’utilisateur, elle risque de l’isoler intellectuellement en ne lui présentant principalement que des informations et des opinions qui renforcent ses points de vue existants. Cela réduit la diversité de l’information à laquelle l’utilisateur est exposé et peut altérer sa perception de la réalité. Certains algorithmes, cherchant à maximiser l’engagement, ont tendance à privilégier les contenus les plus clivants, émotionnels ou sensationnalistes, ce qui peut indirectement favoriser la diffusion de la désinformation et des messages haineux.
Ces problèmes éthiques ternissent l’image de Google et peuvent pousser certains utilisateurs à chercher des alternatives perçues comme plus neutres ou transparentes. Une demande croissante se manifeste pour une meilleure gouvernance des algorithmes et un contrôle accru des utilisateurs sur l’information qu’ils consomment. Google reconnaît lui-même la nécessité de fournir des informations fiables et de combattre activement la désinformation.
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Soutenir MyChromebook.frLa disruption technologique est là
L’intelligence artificielle générative est probablement la menace technologique la plus immédiate et la plus profonde pour le modèle actuel de Google Search. Des outils comme ChatGPT et les « AI Overviews » de Google transforment radicalement l’expérience de recherche. Les AI Overviews visent à fournir une synthèse directe des informations en haut de la page, un peu comme un chatbot, ce qui pourrait potentiellement réduire le besoin pour l’utilisateur de cliquer sur les liens traditionnels. Google intègre davantage cette approche avec son modèle Gemini, qui promet d’améliorer la recherche avec des capacités de raisonnement complexe et de compréhension de différents formats (texte, image).
Bien que ces technologies puissent améliorer l’expérience utilisateur en fournissant des réponses plus rapides et contextualisées, elles présentent aussi des risques, notamment la tendance des IA à « halluciner », c’est-à-dire à générer des informations plausibles mais fausses. Plus important encore, l’IA générative menace directement le modèle économique des éditeurs de contenu en ligne, qui dépendent du trafic généré par les clics provenant des moteurs de recherche. Si les utilisateurs obtiennent les réponses directement de l’interface Google, ils visiteront moins les sites sources, ce qui pourrait entraîner une baisse des revenus publicitaires pour ces sites. Une prédiction (débattue) du cabinet Gartner anticipe une baisse de 25 % du volume de requêtes sur les moteurs de recherche traditionnels d’ici 2026, au profit des chatbots IA, illustrant l’ampleur du changement attendu.
Cette disruption oblige Google à réagir en intégrant massivement l’IA dans ses services, comme avec la « Search Generative Experience2« (SGE). Cependant, cela perturbe son propre modèle économique basé sur les clics publicitaires et la visibilité des sites tiers. Google doit donc non seulement maîtriser cette nouvelle technologie, mais aussi réinventer la façon dont il monétise la recherche à l’ère de l’IA.
Les usages de recherche évoluent
Parallèlement à l’essor de l’IA générative, la manière dont les utilisateurs interagissent avec la recherche d’information change. La recherche sémantique prend de l’importance, cherchant à comprendre l’intention et le contexte derrière une requête, au-delà des simples mots-clés. Grâce au traitement du langage naturel et à l’apprentissage automatique, elle vise à fournir des résultats plus pertinents. L’intégration de modèles comme Gemini dans Google Search s’inscrit dans cette tendance, en se concentrant sur la compréhension de l’intention et des « entités » (concepts, lieux, personnes).
La recherche vocale connaît une croissance significative, modifiant la nature des requêtes qui deviennent plus longues, naturelles et conversationnelles. On estime que la recherche vocale représente déjà plus de 30 % des recherches sur mobile, avec des requêtes vocales beaucoup plus longues (moyenne de 29 mots) que les requêtes textuelles classiques (3 à 4 mots). Les assistants vocaux s’intègrent de plus en plus dans le quotidien.
Enfin, la recherche visuelle ouvre de nouvelles possibilités. Des outils comme Google Lens, qui gère des milliards de requêtes visuelles chaque mois, permettent de lancer des recherches à partir d’une image pour identifier des objets ou obtenir des informations. Google investit dans ce domaine.
Ces évolutions des usages compliquent la tâche des moteurs de recherche traditionnels qui doivent s’adapter à ces nouveaux formats d’entrée et à une compréhension plus fine des besoins. Elles ouvrent la voie à de nouvelles interfaces et rendent l’accès à l’information potentiellement plus intuitif et multimodal. Pour les créateurs de contenu et les professionnels du SEO, cela implique une adaptation constante pour rester visibles.
Un moment de vérité pour Google
La convergence de ces menaces – réglementaires, éthiques, technologiques et comportementales – place Google face à un « moment de vérité ». L’entreprise doit naviguer dans un environnement où les règles changent rapidement. Les régulateurs ciblent son cœur de métier, notamment ses pratiques d’auto-préférence et ses accords d’exclusivité. Les préoccupations éthiques sur les biais et les bulles de filtres réduisent la confiance des utilisateurs. Et l’IA générative menace le modèle de la page de résultats classique et les clics publicitaires qui en dépendent.
Google ne peut ignorer aucune de ces menaces. Pour survivre et rester pertinent, il pourrait devoir faire des choix difficiles, potentiellement en sacrifiant une partie de son modèle économique actuel. Cela pourrait impliquer plus de transparence sur ses algorithmes, l’abandon de certaines pratiques d’auto-préférence, et la recherche de nouveaux modes de monétisation à l’ère de l’IA, comme des services premium. Ces changements pourraient réduire ses revenus publicitaires à court terme, mais seraient nécessaires pour assurer son avenir.
Menaces convergentes pour Google
La vraie disruption pourrait ne pas venir d’un concurrent unique, mais d’une désagrégation progressive des fonctions de recherche. Les utilisateurs pourraient utiliser des IA conversationnelles pour des réponses directes, des moteurs spécialisés pour des besoins précis, et des plateformes sociales pour découvrir du contenu. Dans ce scénario, Google Search, même amélioré par l’IA, deviendrait une option parmi d’autres, et non plus le point d’entrée universel à l’information. L’écosystème de l’information deviendrait plus fragmenté mais potentiellement plus diversifié. C’est un défi majeur pour la stratégie d’intégration verticale qui a fait la force de Google.
Questions / Réponses
- Quelle est l’une des principales menaces réglementaires pour Google Search en Europe ? Le Digital Markets Act (DMA) de l’UE, qui accuse Google de favoriser ses propres services dans les résultats de recherche.
- Comment les biais algorithmiques de Google Search peuvent-ils affecter les utilisateurs ? Ils peuvent générer des résultats avec des connotations négatives, contribuer à la désinformation et potentiellement entraîner des discriminations.
- Pourquoi l’IA générative menace-t-elle le modèle économique des éditeurs de contenu ? Parce que les IA fournissent des réponses directes, réduisant le besoin pour les utilisateurs de cliquer sur les liens et de visiter les sites sources.
- Outre la recherche textuelle, quels autres modes de recherche gagnent en importance selon les sources ? La recherche sémantique, la recherche vocale et la recherche visuelle.
- Les bulles de filtre, un concept popularisé par le militant d’Internet Eli Pariser en 2011, désignent l’isolement intellectuel et informationnel qui peut résulter de la personnalisation algorithmique du contenu que nous voyons en ligne. En d’autres termes, ce sont des univers d’informations individualisés créés pour chaque utilisateur par les algorithmes des moteurs de recherche, des réseaux sociaux et d’autres plateformes numériques. ↩︎
- La Search Generative Experience (SGE) est une évolution majeure de la recherche en ligne proposée par Google. Il s’agit d’une expérience de recherche alimentée par l’intelligence artificielle (IA) générative, conçue pour fournir des réponses plus directes, complètes et personnalisées aux requêtes des utilisateurs, directement sur la page de résultats. ↩︎




