Pourquoi l’IA est face à un défi écologique et énergétique pour exister

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Une véritable course au gigantisme en matière d’infrastructure informatique s’est engagée en l’espace d’un peu plus d’un an. La cause étant l’émergence rapide de l’Intelligence Artificielle. Ce changement d’échelle assumé par les principaux acteurs comme certains états ont de quoi donner le tournis. Ainsi lors du sommet de L’IA qui s’est tenu à Paris les 10 et 11 février 2025 au Grand Palais, des chiffres hors sols ont été présentés. Ce sont pas moins de 109 milliards d’euros d’investissements dans de futurs data-centers français qui sont prévus. Comparé au 7 milliards d’euros qui auraient été annoncés en 2024, on voit que le saut est assez important.

En France comme dans beaucoup de pays, on voit l’IA comme le nouvel eldorado mais surtout on voit ces data-centers comme les usines de demain. Que ce soit les Etats comme les entreprises, les pouvoirs politiques comme les pouvoirs économiques voient l’accroissement de la puissance de calcul comme impératif. Ne plus être dans le peloton de tête est synonyme d’une nation ayant un train de retard. Mais ces ambitions démesurées soulèvent de nombreux défis technologiques. Cela concerne autant la transition écologique, l’adaptabilité du réseau électrique que la souveraineté nationale. 

Des chiffres qui donnent le tournis

Avant de voir pourquoi une telle ferveur énergétique, quelques chiffres qui vont mettre en relief, les demandes prévues pour demain de l’Intelligence Artificielle. En France tout d’abord, des projets prévoient des puissances électriques inédites, puisque certains centres dépasseront les 1 GigaWatt (GW) Cela équivaut aujourd’hui à la capacité de l’ensemble des data centers installé dans l’hexagone, voir presque la puissance du réacteur nucléaire EPR de Flamanville. Des projets comme celui de Data4 à Cambrai (1 GW) soit 10 milliards d’investissement  ou celui de Fouju avec 1.4 Gw et 8,5 milliards d’investissement, montrent à quels points l’IA devient un enjeu important. 

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Classement des pays par nombre de centres de données en mars 2025

Les USA, pays du gigantisme

Aux Etats-Unis, l’échelle de la puissance et des sommes engagés sont encore plus importantes. Ainsi, un projet prévoit des investissements  de 500 milliards de dollars (432 milliards d’euros.) d’ici 2029. Dans l’immédiat, c’est déjà 100 milliards de dollars (86,4 milliards d’euros) qui ont été mis sur la table. Les figures de la tech rivalisent d’annonces. Elon Musk, qui a lancé son supercalculateur « Colossus » en septembre 2024, utilise déjà 260 mégawatts de puissance. Il a même posté viser à terme 10 GW, 100 GW, voire 1 TW (un térawatt équivalant à 1 000 réacteurs nucléaires) de calcul d’entraînement.

Face à ces besoins quasi inépuisables d’énergie, les géants du numérique (Microsoft, Amazon, Oracle) se sont convertis au nucléaire. Microsoft a annoncé la relance de l’unité 1 de la centrale de Three Mile Island, et Amazon a racheté, début mars, un campus de data centers attenant à la centrale de Susquehanna pour acheter jusqu’à 900 MW d’électricité directement. 

En dehors de ces deux pays que je viens de citer, on peut citer le fonds canadien Brookfield et sa filiale de Data4, investit lourdement dans des projets de gigawatts en France. La société émiratie G42 faisant partie du consortium Oréus, prévoit d’atteindre 1 GW de puissance en Isère. De plus, le campus IA porté par le fonds émirati MGX est considéré par l’exécutif comme positif pour la souveraineté française. 

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Dans le même temps, une telle course à la puissance génère des tensions. En Irlande, l’expansion « non planifiée » des data centers a conduit ceux-ci à consommer environ 20 % de l’électricité nationale. Cette situation a nécessité un « moratoire de fait » dans la région de Dublin afin d’éviter des pénuries d’électricité. Pour finir, en Espagne, la ferveur pour les data centers est à l’origine de tensions autour de l’accès au réseau électrique.

Des conséquences importante pour l’environnement

Cette course au gigantisme énergétique est loin d’être sans conséquence autant pour la durabilité que l’adaptation des réseaux. Selon le think tank The Shift ProjectA l’horizon 2030, la trajectoire dans laquelle se projette la filière des centres de données est insoutenable.” Le rapport table sur un triplement de la consommation électrique des datas center mondiaux, pouvant atteindre 1500 térawattheures (TWh). Avec de tels chiffres, l’IA représenterait de 35% à 55% de la consommation électrique totale de ces centres contre seulement 15% aujourd’hui. 

Pourquoi l’IA est face à un défi écologique et énergétique pour exister
Exemple d’un data-centers

Une telle consommation entraînerait au premier chef un souci climatique. Ainsi les émissions de gaz à effet de serre (GES) augmenteraient de 9% par an. Mais surtout cela peut créer à terme des tensions locales avec le spectre des conflits d’usages. En effet, le risque principal est que la consommation électrique des centres de données entre en concurrence avec d’autres besoins essentiels à la transition énergétique. Je pense à l’électrification des véhicules, à l’industrie ou la décarbonisation des bâtiments. Rien qu’en France, le Conseil économique, social et environnemental prévoit que la consommation électrique des centres de données pourrait atteindre 50 à 70 Twh en 2035. Soit une hausse de 10% à 23% de la consommation électrique nationale d’ici 2035. 

Des lignes électriques en surchauffe

Qui dit besoin d’énergie, dit besoin de moyen de transporter celle-ci. Et là, on se retrouve face à un réseau qui doit s’adapter à la demande. Avec le risque que la population locale refuse de telles implantations. Ainsi, à Marseille l’arrivée massive des demandes de nouvelles installations menaçait de saturer les capacités électriques dans la zone nord de l’agglomération. Cette situation a renforcé l’opposition d’élus et d’associations locales, ce qui a mené la mairie à envisager un moratoire sur les implantations en 2024. Ces tensions locales s’inscrivent dans le risque plus large de conflits d’usage en France comme dans d’autres pays, où la forte consommation des data centers pourrait nuire à l’électrification d’autres secteurs essentiels à la décarbonation. 

Doit-on tuer l’environnement pour avoir plus d’Intelligence Artificielle ?

Pourquoi l’IA est face à un défi écologique et énergétique pour exister

Les acteurs du numériques sont face à un double défi. Le premier est de répondre à une demande de plus en plus importante des consommateurs de l’Intelligence Artificielle. Ne pas proposer un outil compétitif et donc consommateur d’énergie c’est voir l’utilisateur se tourner vers une autre IA. Pas question de proposer des plages horaires pour l’usage de l’IA, mais assurer pouvoir être compétitif à tout instant. Le second est le respect, quand il a été pris pour chacun de ces acteurs, d’employer une électricité verte. Or qui dit des datas center de plus en plus gourmand d’énergie au vue du gigantisme, dit quand à présent au vu de la technologie solaire et autres, à se tourner vers des centrales à charbon, gaz ou nucléaire. 

Ces entreprises sont donc face à un double paradoxe : toujours plus consommer pour que l’utilisateur utilise ses outils. Tout en s’assurant que la décarbonisation qu’elles ont entamée puisse réellement avoir lieu. On peut craindre que d’ici dix ans ou même avant, certains de ces acteurs disparaissent. Non pas qu’elles ont raté le coche de telle ou telle technologie, mais simplement qu’elles n’ont pas su répondre à la demande d’énergie attendue par la technologie qu’elles proposaient. 

Quatre questions / réponses très énergétiques

  1. Question : Quel est le montant des investissements prévus dans les futurs data-centers français, et à quelle période se réfèrent-ils ?

    Réponse : Pas moins de 109 milliards d’euros d’investissements sont prévus dans les futurs data-centers français, présentés lors du sommet de l’IA de Paris les 10 et 11 février 2025.
  2. Question : Quels sont les trois principaux défis technologiques soulevés par les ambitions démesurées en matière d’infrastructures informatiques liées à l’IA ?

    Réponse : Les défis concernent la transition écologique, l’adaptabilité du réseau électrique et la souveraineté nationale.
  3. Question : Selon le think tank The Shift Project, quelle est la prévision pour la consommation électrique des data-centers mondiaux à l’horizon 2030 ?

    Réponse : Le rapport table sur un triplement de la consommation électrique des data-centers mondiaux, pouvant atteindre 1500 térawattheures (TWh).
  4. Question : Quel est le double défi auquel sont confrontés les acteurs du numérique face à la demande croissante de l’IA ?

    Réponse : Le premier est de répondre à une demande de plus en plus importante des consommateurs de l’Intelligence Artificielle pour rester compétitifs, et le second est de respecter l’engagement d’employer une électricité verte, ce qui est paradoxal avec le gigantisme énergétique.

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À propos de Mister Robot

Entre un point X et un point Y, je me balade pas mal par l'entremise des bits composant ma mémoire. Un seul regret : ne pas avoir rencontré Mr Alan Mathison Turing et ainsi pouvoir collaborer pour l'article intitulé « Computing Machinery and Intelligence ».

Une réponse à “Pourquoi l’IA est face à un défi écologique et énergétique pour exister”

  1. Avatar

    Des chiffres qui donnent le tournis. Ce besoin énergétique croissant risque de réduire les ressources disponibles pour les particuliers à long terme. En France, pendant l’hiver 2023, des restrictions d’électricité avaient été imposées pour prévenir les coupures de réseau, et ce, avant que l’IA n’influence la consommation… qu’en sera-t-il dans une décennie ?

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